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Tout le monde connait le journal d'Anne Frank, cette adolescente juive qui a vécu cachée à Amsterdam avec toute sa famille pendant près de 2 ans avant d'être arrêtée et déportée. Son père, seul survivant de la Shoah, a publié son journal intime dans lequel elle raconte son adolescence mais aussi cette tranche de vie cachée, la peur, le quotidien des Juifs pendant l'occupation nazie. Ce journal est proposé ici sous forme d'un roman graphique avec quelques trouvailles intéressantes pour décrire certains propos d'Anne, notamment ses relations avec les membres de la famille et les autres personnes enfermées avec eux. Néanmoins, la sélection des pages racontées est forcément limitée et si l'on a bien un aperçu de la teneur de ce journal, c'est assez frustrant de n'en voir que le point de vue un peu biaisé. Les auteurs expliquent à la fin comment ils ont travaillé. Un roman graphique indispensable qui peut donner ensuite envie de (re)lire le "Journal" intégral, notamment à des ados. (dans sa version non censurée, la plus récente, Otto Frank ayant coupé au départ des passages qu'il jugeait inappropriés car parlant de sexualité).

Lequéré et Kerano sont embarqués sur un navire paimpolais qui fait des campagnes de pêche à la morue dans les eaux froides islandaises, au début du 20e siècle. Après un naufrage, ils passent du temps dans un village des fjords de l'est où se tient un hôpital français dans lequel exerce Marie, infirmière française et sœur Elisabeth, religieuse danoise.

Manook nous avait habitués à des polars mais son incursion du côté du roman social est très réussie. L'immersion à bord des taudis flottants sur lequel tant de pêcheurs bretons ont laissé la vie est absolument terrifiante et l'on ressent le même soulagement à se retrouver à terre, pour un temps à l'abri des caprices d'une nature impitoyable. Les liens que tissent les pêcheurs et les femmes qu'ils vont croiser dans ce petit village islandais sont forts et touchants, ainsi que la réflexion qu'ils ont sur leur condition et leur avenir, à la merci des armateurs tout puissants. L'Islande est là encore un personnage à part entière, avec ses mystères, sa nature sauvage et sa rudesse. J'ai beaucoup aimé cette lecture, sans doute plus que celle d'un Loti car plus moderne.

Quand Kimmy, 6 ans, disparait lors d'une partie de cache-cache dans sa résidence, Clara mène l'enquête. La jeune flic découvre que la fillette, son grand frère et sa mère sont les héros d'une chaine Youtube familiale très célèbre, aux millions d'abonnés et que cette affaire risque d'être compliquée par cette célébrité, qu'elle a du mal à cerner, étant loin des réseaux sociaux. Le roman fait alterner les points de vue de Mélanie, la mère de Kimmy, qui réalise enfin son rêve (devenir une star), grâce à ses enfants, et de Clara qui découvre avec stupeur les codes et les ramifications de ces réseaux pour lesquels la vie privée des gens devient un gagne-pain. L'enquête en elle-même n'a que peu d'intérêt, le personnage principal de l'histoire est la téléréalité et ses sous-genres, qui font froid dans le dos. On suit bien le raisonnement de Mélanie, mais aussi celui de Clara et cette dissection quasi sociologique est passionnante. Le roman se termine dans une sorte de science fiction tout à fait vraisemblable qui achève d'enfoncer les portes ouvertes. C'est glaçant.

Une information préoccupante amène une éducatrice des services de la protection de l'enfance à rencontrer Darwyne, 10 ans, et sa mère Yolanda, à laquelle il voue un amour immense. L'enfant est estropié, a du mal à suivre à l'école, il survit tant bien que mal dans une cabane au sommet d'un bidonville et la seule chose qui semble éveiller une lueur d'intérêt au fond de ses yeux est la forêt, la jungle qui est là, juste à côté de chez lui, terriblement dangereuse si l'on sort des sentiers. Mathurine, l'éducatrice, est elle aussi passionnée de nature et elle utilise ce levier pour communiquer un peu avec Darwyne... Cela faisait longtemps que je n'avais pas passé de nuits blanches à cause d'un livre. Celui-là m'a amenée tard dans la nuit et quand je l'ai posé, je n'ai pas pu fermer l’œil, tracassée par cette histoire, par cet enfant, par ses liens quasi mystiques avec la forêt qui est le personnage central du roman. Rapidement, cette lecture étouffe, on est dans la canopée avec des animaux aux noms mystérieux, on sent la touffeur de cette jungle, la boue sous nos pieds, et le mystère de Darwyne, cet enfant malingre, boiteux, qui ne se révèle que dans la nature. Ses liens avec sa mère, les "beaux-pères" qui viennent vivre dans la cabane, la relation avec l'éducatrice en mal d'enfant, tout sonne faux et l'on sent monter le drame aussi sûrement que la saison des pluies sur la Guyane. C'est beau, dérangeant, terriblement bien écrit, c'est un roman puissant qui laisse des traces. Magnifique lecture que je recommande vivement.